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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/326

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IDYLLE SAPHIQUE

posa une au milieu de son front : — c’est frais, c’est doux, ce contact… — elle chantonnait :

« Que chacun ait des fleurs au front,
Quand les lilas fleuriront. »

— On va déjeuner près de ton lit, chérie ?

— Non, non, ici, sur une petite table. Il fait si bon, si tiède, je veux rester debout !… Il faut bien que je m’habitue !…

— Tu ne crains pas de…

— Non, non ! — Elle riait, — tu m’amuses, ma Tesse, tu ne vois donc pas le progrès ? Au fait, non, tu es là tout le temps, tu ne peux pas bien t’en apercevoir, mais tu vas voir, tu vas voir !…

Et un peu plus tard, tandis qu’on les servait, Nhine, joyeuse, dévorait. Tesse n’en revenait pas, elle qui prévoyait de si tristes choses !… Ah ! la jeunesse, quelle sève sans cesse renaissante !… la nature, quelle incomparable guérisseuse !… Positivement, Nhine n’était plus la même, elle semblait beaucoup mieux ! Allons, l’été la remettrait complètement, il n’y avait plus à en douter maintenant, et elle qui croyait — comme elle allait chasser bien loin ces folles idées ! — elle qui croyait en une fin si triste, si sombre, si proche : Annhine morte, emportée par une de ces atroces crises, sa fuite à elle désormais sans but, sa fuite vers l’Italie, vers la paix, son renoncement volontaire à toute joie, à toute peine du monde. Ah ! il ne fallait jamais se désespérer !