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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/33

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IDYLLE SAPHIQUE

leurs je ne te demande rien d’autre que de te laisser aimer… adorer… admirer. Rien d’autre, ma Nhinon, que de m’accepter pour ton page… ton fervent petit page d’amour… veux-tu ? Veux-tu de moi tout ce que ma famille, car j’en ai une ici avec moi, hélas ! à Paris, et le monde me laisseront de temps — et ce me sera une joie de leur en dérober le plus possible — pour venir près de toi te dire des mots que je ferai doux ainsi que des caresses, distraire la banalité de ton existence, m’y essayer du moins… et m’enivrer de ta beauté diaphane et troublante… dis… Nhine… le veux-tu bien ? Madame… et elle se tourna du côté d’Altesse… Madame, priez-la avec moi afin de racheter votre ironie cruelle de tout à l’heure… dites… voulez-vous ?

— C’est entendu, Miss… je veux bien… je t’accepte pour page, esclave servant de ma beauté… de ma beauté, servile elle aussi, hélas !

— As-tu bien réfléchi jusqu’où cela pourrait t’entraîner ? lui demanda Tesse à qui venait de traverser une vague pensée d’inquiétude.

— Ainsi que les saintes martyres, j’irai bravement à la mort pour la gloire de ma religion… et ma religion, c’est Nhinon ! Nhine ! Annhine de Lys !

Elle étendit la main comme pour s’assermenter… mystiquement et en extase.

Annhine se leva, joyeuse, et alla se placer devant son miroir, près d’une toilette de laque blanche sur laquelle étaient éparpillés les ors, les suaves odeurs,