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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/330

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IDYLLE SAPHIQUE

mon vieil ami, qui te les envoie, tu dois les regarder, les sentir, en croquer au moins une.

Nhine saisit la petite corbeille :

— C’est bien plus gentil de respirer, de savourer par la vue ces petits fruits que de les manger… ça fait bien plus de plaisir, tu sais, les cerises aussi, et les pêches, et beaucoup d’autres choses ainsi dans la vie, c’est dommage de les détruire, dommage !…

Sa voix mal assurée faiblissait, ses traits se tendaient, se creusaient, ses couleurs s’en allaient pour faire place à une pâleur de cire, livide, qui se jaunissait par endroits :

— Je me sens fatiguée maintenant… — ses yeux se fermaient, — j’ai envie de dormir… tout de suite… mène-moi à mon lit… je ne veux pas des petites fraises en ce moment… garde m’en, dis, pour tantôt… dormir… je veux… — on l’entendait à peine, — je veux…

Puis, quand on l’eût étendue tout habillée sur le lit éclatant des blancheurs des batistes et transparent de rose…

— Merci, mer… ci… bon… soir… Tesse…

Un peu plus haut elle l’appela :

— Tesse !…

Altesse revint près d’elle :

— Embras… se… moi… ché… rie…

Sa voix était lente, pâteuse… Tesse lui donna au front un baiser qu’elle fit très doux, de toute la ten-