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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/41

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IDYLLE SAPHIQUE

lait d’amandes mélangé de verveine, vous le savez bien, mais vous faites tout ce que vous pouvez pour me contrarier…

Elle retomba sur les coussins enrubannés et ferma les yeux, satisfaite et à demi soulagée par sa petite méchanceté. Au bout de trois minutes, elle reprit un peu le sentiment d’elle-même et d’une voix résignée elle appela :

— Ernesta ! Ernesta ! Allons ! puisqu’il est préparé à l’eucalyptus, je le prendrai ainsi… je ne veux pas attendre davantage… donnez-moi ma glace… et se regardant dans le ravissant miroir en or à la poignée incrustée de rubis et de grosses perles baroques que lui tendait sa femme de chambre, elle sourit à sa séduisante image, heureuse de se trouver jolie.

— Allons ! je n’ai pas tellement mauvaise mine. Tesse est folle de me dire que je suis si fragile, je les enterrerai toutes.

— Madame est fraîche comme une rose, hasarda Ernesta.

— Taisez-vous, vous, je n’aime pas les flatteuses. Ça, voyez-vous, ça… et elle brandissait le frêle miroir, ça, ça ne ment jamais, et le jour où je serai vieille et laide, eh bien, je ferai ainsi que la Castiglione… je les voilerai toutes d’une épaisse gaze noire… les inexorables… les cruelles… les sincères petites glaces qui ne parlent pas et qui cependant en disent plus long et plus vrai que… Tiens… j’entends qu’on sonne déjà… allez voir… et elle se mit