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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/47

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IDYLLE SAPHIQUE

vées sur le sommet de sa tête… J’ai l’air d’un clown, vois !…

— Tu es belle… tyrannique, balbutia l’enfant.

— Mais non, je ne suis pas tyrannique… et se levant dans la baignoire elle parut floconneuse ainsi qu’une blanche nuée, faisant mousser le savon tout autour d’elle, jouant avec l’eau opaline, s’en couvrant toute. Viens m’embrasser ainsi. Ah ! Aïe ! cesse… tu me chatouilles, Moon-Beam ! C’est qu’elle le fait sans crainte… tu as l’air d’un enfant qui aurait mangé de la crème. Sa voix se fit sévère… Assez, assez, te dis-je, assez ! Impatientée, elle plongea ses mains dans l’eau et aspergea l’extasiée… Non, vrai, pardonne, je suis nerveuse… le bain va me calmer. Une idée ! Défais-toi, viens-y, viens avec moi, nous allons nous baigner ensemble ! Viens, te dis-je, Moon-Beam… je le veux ! Ah bien ! tu es vite déshabillée toi, en deux temps et trois mouvements, comme on dit !… pas de corset ni de jupons… une chemise de liberty rose peinte de pervenches et de volubilis, c’est gentil avec ces petits rubans mauves… un peu cocotte, ma chère, mais artistique… viens… mais tu seras sage… moi je t’aimerai bien, mon page… on jouera, on s’amusera ensemble tant qu’on pourra, mais pas de saletés… oh ! non ! je ne veux pas ! j’en ai assez… j’en meurs… j’en vis aussi, hélas !

— Annhine, par pitié !… et l’enfant nue, et rose et blanche et triste, ses longs cheveux épars, se pencha vers elle et lui posa un doigt sur les lèvres… tais-