Page:Poulain de Nogent - Lettres à Madame la baronne de Neufpont, 1777 - tome 1.pdf/39

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glots fortirent de ma poitrine malgré moi. Mon grand-papa & ma grand’maman tout effrayés, me demanderent ce que j’avois. Tenez, lifez, leur dis-je en leur mettant ta Lettre en main, voyez comme ma pauvre tante fe défole ; elle ne fait que pleurer & foupirer depuis mon départ. Quoi ! me dit ma grand’maman, cela te furprend ? Peut-on faire autre chofe lorfqu’on t’a poffédée, & qu’on ne te poffede plus ? Va, va, ajouta-t-elle, le temps féchera les pleurs de ma fille ; mais il faut que ce foit nous qui féchions les tiens. En même temps elle m’embraffa. Cette parole fut pour moi une leçon ; mais elle ne fut pas ma confolation. Cependant j’effuyai mes yeux, & m’efforçaide faire une bonne contenance. Alors ma grand’maman me dit qu’elle alloit écrire à fa fille pour la confoler ; & qu’elle me demandoit à moi de fufpendre pendant quelques jours mes réponfes, de peur que mon cœur ne s’échappât avec mes Lettres. Le lendemain de mon arrivée, elle écrivit une Lettre à ma tante de Beauport[1], pour l’inviter à venir paffer quelques mois au château pendant l’été. Elle en a reçu Mardi la réponfe : ma tante lui marque que Samedi 15, elle arrivera à Nogent pour dîner, avec le Chevalier fon fils. Ainfi, ma chere, j’aurai demain le plaifir de voir cette tante & ce cou-

  1. La Marquife de Beauport, fille du Comte & de la Comteffe de Nogent.