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citer que ceux-là, et c’est ce que j’ai voulu constater d’un mot, à propos du portrait du jeune Antonin Proust, par Édouard Manet, en 1856. Juste un demi-siècle ! Mon Dieu, comme la vie passe vite ![1]

  1. Ce chapitre a été écrit au commencement de mars 1906 et en rentrant de voyage, à la hâte, le jour même de sa fermeture, le 22 octobre 1906, j’ai pu visiter, au salon d’automne, l’exposition rétrospective de Cézanne, Berthe Morizot, Éva Gonzalès, et, dans un autre ordre d’idées, celle de Carpeaux, le sculpteur de génie qui a su captiver le mouvement et la vie, si j’ose m’exprimer ainsi, et d’Alfred Stévens, le grand peintre belge.

    Ce pauvre Cézanne sort fort amoindri de cette épreuve ; cependant il reste de lui trois portraits remarquables par leur audace tout à la fois brutale et enfantine qui ont été certainement conçus et exécutés avec les réminiscences plus ou moins involontaires de Manet.

    Quant au double portrait d’homme et de femme dont le nom m’échappe, d’Éva Gonzalès, la fille de mon premier délégué à la Société des Gens de Lettres quand j’y suis entré en 1885, il y a là un merveilleux hommage de l’élève au maitre et certes Manet pouvait s’en montrer fier à juste titre.

    Je ne saurais en dire autant de Berthe Morizot, sans doute intéressante, presque toujours charmante, mais d’une tonalité, d’une manière plus douce, plus estompée, plus claire et où l’on ne retrouve guère la pâte puissante, la griffe du maitre, de ce pauvre et grand Édouard Manet, enlevé si jeune à l’art, alors que tout semblait indiquer qu’il était destiné à devenir un des novateurs de la fin du dernier siècle.

    P. V.