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à Malzéville et jusqu’à Liverdun). Mais d’habitude on l’appelle « la pauton ».

Elle fait le tour du bassin et s’assied dans l’herbe, près d’une mince rigole. Elle attend. Elle redoute qu’il survienne quelqu’un ; elle épie et tourne de droite et de gauche sa tête pesante, grumeleuse comme une écorce de citrouille. Puis elle tire de sa poche son couteau, un morceau de pain, une gousse d’ail et se met à manger. Elle mâche lentement, avec une joie de bête, entière et sensuelle. Parfois elle se penche vers l’eau et en boit une gorgée dans le creux de sa main. Parmi les boutons d’or, sa robe fait une tache bleue.

Elle ouvre son livre de prières. Son doigt suit, sur les pages grasses, les mots qu’elle ne comprend pas ; elle les sait pleins d’amour et gros de menaces ; ils évoquent un paradis fastueux, pareil à une auberge toujours pourvue et un enfer où l’on brûle éternellement, sans parvenir à se consumer jamais. Elle marmonne : « Marie, Mère de Dieu, priez pour nous. » Sa voix est grave comme celle d’un homme. Elle parle haut, étant sourde.