lioz « jusqu’au vertige ». Spontini fut pour ces deux musiciens
à leurs débuts une révélation essentielle. Quant à Rossini,
bien qu’il ne compose plus désormais, il est toujours
l’illustrissimo maestro, « le Jupiter de la musique », un
homme, disait Stendhal, « dont la gloire ne connaît d’autres
bornes que celles de la civilisation ». Mais, le mûrissant
Cygne de Pesaro a senti déjà venir de loin les temps futurs et
les changements profonds qui vont apporter dans la musique
une révolution aussi radicale que l’autre. Et peut-être s’il se
tait depuis le soir mémorable où, dix ans plus tôt, il donna
Guillaume Tell, est-ce parce qu’il sent que prennent racine
« les nouveaux principes philosophiques qui voudraient faire
de la musique un art littéraire, un art d’imitation, une mélopée
philosophique » (Lettre à Rossi, directeur du Conservatoire
de Milan). L’homme des roulades, du bel canto, de la
mélodie à tout prix, ne pouvait se douter que dans une
modeste chambre du « meublé » Molière, s’élaborait la doctrine
de quelqu’un qui ne voulait plus qu’on prît la musique
comme on séduit une demoiselle, en roulant des yeux langoureux
et en troussant des airs vainqueurs ; mais qu’on la subît
comme une logique, une architecture, une forme supérieure
de la vie ; non plus comme un divertissement, mais comme
un drame, le drame même de l’être.
Enfin, parmi les jeunes musiciens de l’école nouvelle, lequel allait compter ? Serait-ce M. Marliani, l’auteur de Xacarilla, un petit opéra dont M. Scribe, naturellement, avait fourni le livret ? Serait-ce M. Gounod, premier prix du Concours de l’Académie des Beaux-Arts avec une cantate à trois voix ? Les journaux disaient : « Ce jeune élève annonce de la chaleur et de l’invention, il promet un compositeur distingué… Mais sa cantate manque de mélodies, de chant ; elle est écrite avec correction et talent. » Ou bien serait-ce l’étrange Hector Berlioz, l’auteur de cet Harold en Italie qui avait enthousiasmé Paganini à tel point qu’il s’était mis à genoux devant Berlioz en face de tout l’orchestre ? Berlioz avait déjà à son actif La Symphonie Fantastique, Le Requiem, Benvenuto Cellini, et il venait justement de conduire ces temps-ci, au Conservatoire, son Roméo et Juliette, symphonie avec chœurs, soli et récitatif choral. Mais s’il chantait victoire, la critique ne le couvrait pas précisément de fleurs. L’un lui