jestueux » et la gravure de Cornélius qui sert de frontispice
aux « Nibeluugen ». Mais comment les braves gens de Dresde
comprendraient-ils ce qui est vraiment nécessaire pour exciter
l’imaginatlou d’un artiste ? On ajoute à cela une bibliothèque
importante et des mieux composées, où, à côté des
classiques grecs, latins, français, italiens, d’un excellent
Shakespeare et des poètes modernes, l’ancienne littérature
allemande est richement représentée. Il s’y trouve même des
œuvres rares et de prix, comme le vieux « Roman des douze
Pairs » et d’autres légendes du moyen-âge. Ainsi équipé, il
semble à Richard qu’il est « en mesure de braver tous les
déboires qui l’attendent dans ses nouvelles fonctions ». Et ils
ne manquent pas. Car non seulement on critique ses propres
œuvres, mais ses interprétations de Don Juan, de l’Enlèvement
au sérail, d’Euryanthe, du Freischütz, de la Symphonie
Pastorale, auxquelles il met tant de soin afin d’en
retrouver les mouvements authentiques. Dans l’Armide de
Gluck, pourtant, Wagner se révèle un maître exceptionnel de
l’orchestre et sa réputation de musicien se bornera longtemps
à cette appellation de « gluckiste ».
Quelques amitiés le consolent de ces mécomptes professionnels. Entre autres celle du jeune docteur Pusinelli, celle d’Auguste Roeckel, de dix-huit mois son cadet et qui avait été envoyé de Weimar à Dresde comme directeur de musique adjoint. Rœckel savait l’anglais, le français, jouait parfaitement le piano, lisait les partitions d’un coup d’œil, se prétendait même compositeur. Mais dès qu’il eut entendu la musique de Wagner, dès qu’il eut deviné l’homme, Il se soumit à celui qu’il élut aussitôt comme son maître. Ce sort les premières en date de ces énergies dévouées qui acceptèrent la belle charge de « servitude volontaire » comme parle La Boétie et dont Wagner sut, avec tant d’adresse, susciter autour de lui les vocations passionnées. Mais s’il s’entendait avec une sorte de génie à utiliser ces forces planétaires, il leur distribuait à son tour la chaleur de son rayonnement. L’amitié fut toujours pour lui le plus entier des sentiments. Et de tous ceux qui obligent l’homme, c’est celui-là qu’il mettait en premier. « À mesure que ma conscience est devenue adulte, il ne m’a plus été possible d’imaginer une amitié sans amour. » Aussi souffrait-il dans