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LA CAMPAGNE DES POËTES


décidé de fêter le 15 août, anniversaire de sa naissance, en reprenant la guerre.

Le 16, on porta dans l’église de Saint-Thomas — l’église de Jean-Sébastien Bach — le petit Wagner. Il reçut les pré­noms de Guillaume-Richard. Le père : Frédéric Wagner, greffier à la police ; la mère : Johanna, Rosine Bertz. Petite cérémonie sans pompe aucune, en présence des seuls témoins. On rentra ensuite dans la vieille maison du Lion blanc et rouge pour vaquer aux occupations ordinaires sous l’œil des quelques portraits de famille.


C’était une vieille et laborieuse famille que celle des Wagner, et sans éclat aucun. Le père du greffier, Gottlob-Frédéric II, avait été percepteur à l’octroi. Le grand-père, Gottlob-Frédéric Ier. théologien, et plus tard percepteur des Impôts (théologien assez fantaisiste sans doute, car son fils naquit avant le mariage). Le bisaïeul, Samuel II, fut maître d’école, tout comme le père de celui-ci, Emmanuel, lequel était organiste en plus. Et remontant plus haut, on trouve Samuel Ier, né en 1643, maître d’école déjà et première pousse connue de l’arbre vigoureux où fleurirent tous ces pédagogues de village. Rien ne distinguait cette famille de centaines et de milliers d’autres. Aussi la naissance du Petit Richard ne fut-elle un événement que pour sa jolie mère, la fraîche et vive Johanna ; et peut-être encore plus Pour un personnage dont en ce jour d’agapes familiales on regrettait vivement l’absence : l’acteur Ludwig Geyer.

Le pauvre Geyer s’était pourtant tellement réjoui de revenir à Leipzig, de retrouver la petite scène du théâtre Thomé, où il avait connu bien des succès, et surtout l’amitié chaleureuse du ménage Wagner dans le logement desquels sa place et son couvert semblaient toujours l’attendre. Aussi bien était-ce Frédéric Wagner qui l’avait dirigé, quinze ans plus tôt, vers la carrière d’acteur. En ce temps-là, il était peintre, et non sans talent. Mais Frédéric Wagner avait bientôt reconnu en lui un don d’observation et d’imitation si marqué, si naturel, que la passion des planches aidant (et la gloire naissante de Schiller), Geyer se décidait à tenter l’expérience. Elle réussit au mieux. Il était, comme l’on se plaisait à dire, extrêmement bien fait, fort agréable de visage, d’ex­-