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RICHARD WAGNER


aînée, Rosalie, provisoirement en pension chez une amie ; Louise fut confiée à Mme Hartwig, l’actrice ; Albert demeura dans son école et le reste de la famille s’établit dans une maison de la Moritzstrasse. Geyer reprit dès lors sa place au théâtre et put subvenir sans trop de peine aux charges qu’il s’était imposées pour l’amour des Wagner. Il se remit même à la peinture et son atelier se peupla d’amateurs, si bien qu’il vit sans souci son logement s’enrichir d’un nouvel habi­tant en la personne de sa fille Cécile, laquelle vint au monde en février de 1815.

Dresde avait repris peu à peu son allure de résidence royale, et, après la chute du terrible Empereur, les rois recommencèrent de jouer aux rois. Ce n’était partout que conseillers de la Cour, fournisseurs de la Cour, écrivains et critiques de la Cour, lessiveuses et ramoneurs de la Cour. Ces fonctionnaires patentés remplissaient de leur importance la capitale et la maison de « l’acteur de la Cour » Geyer. On y lisait des vers ; on y Jouait la comédie ; on y représentait des pièces dont Geyer lui-même était l’auteur, la Nouvelle Dalila ou le Massacre des Innocents, par exemple, et l’on entraînait les enfants à y prendre leur part. En particulier Louise, puisqu’elle était l’élève de la célèbre Hartwig, l’actrice en renom qui retenait autrefois si tard hors de chez lui M. le greffier de la police. Et Rosalie aussi, que feu son père avait de sa propre autorité destinée à la gloire des planches. Celle-ci fit ses débuts en public dans une pièce de son beau-père, le 2 mars 1818, avant-veille de l’anniversaire de ses seize ans. L’oncle Adolphe avait envoyé de Leipzig ses vœux et ses compliments, tout en y mêlant de sages et pieux conseils, car il ne manquait pas de prudence. Ce qui, au demeurant, n’empêcha nullement le jeune Albert d’aban­donner ses études de médecine pour entrer à son tour dans la carrière de chanteur. Sa sœur Clara, elle encore, se voua au théâtre. Famille décidément prédestinée. Aussi l’oncle philologue chercha-t-il du moins à préserver de la contagion les trois cadets, Ottilie, Richard et Cécile. Ils n’en étaient encore toutefois qu’aux polissonneries, et aucun d’eux ne se révélait enfant prodige.

Entre temps, un artiste nouveau était apparu dans le ciel de Dresde. Il s’appelait Karl-Maria von Weber et gémissait de