renvoie elle-même dans sa patrie, car un arrêt du destin la
condamne à rester fée jusqu'à ce que son amant ait triomphé
des épreuves ardues qu'elle doit lui imposer. S'il en sort
victorieux, elle aura le droit de renoncer à son immortalité
pour devenir la femme aimante d'un homme. Le prince
rentre dans son royaume dévasté. Il est découragé, et, dans
ses heures de plus grande angoisse, la féev lui apparaît,
essayant d'ébranler sa foi par des actes d'une cranuté inouïe.
Affolé d'horreur, Arindal s'imagine être la victime d'une sorcière
qui l'a séduit sous les traits d'Ada. Pour se soustraire
à sa puissance néfaste, il prononce des imprécations contre
elle. Désespérée, Ada s’affaisse en dévoilant au malheureux
leur sort commun : pour avoir bravé la sentence des fées, elle
sera changée en pierre (c'est ainsi que j'avais utilisé la métamorphose
en serpent de Gozzi). Arindal s'aperçoit alors que
toutes les abominations invoquées par la fée n'étaient qu'illusions.
La victoire sur les ennemis, la prospérité du royaume
se réalisent avec une rapidité magique. Cependant Ada est
entraînée par les exécutrices de l'arrêt fatal et Arindal reste
seul, en proie à la démence. Ses souffrances ne suffisent pas
encore aux fées cruelles. Elles veulent l'anéantissement
absolu de celui qui les a bravées et elles l'invitent à les
suivre aux Enfers sous le prétexte de lui montrer les moyens
le délivrer Ada. À cet espoir, la folie d'Arindal devient un
enthousiasme sublime. Il suit les traîtresses, non sans s'être
d'abord muni des armes et instruments enchantés que lui
avait remis un magicien fidèle à la maison royale. Les
fées sont frappées d'étonnement et d'effroi en voyant Arindal
vaincre l'un après l'autre les monstres infernaux. Tout
espoir de le voir succomber se concentre sur la dernière
épreuve dont il ne triomphera certainement pas, puisqu'il
s'agit d'attendrir une pierre, la pierre qui sert de prison
à Ada. Lorsqu'il se trouve devant cette forme humaine pétrifiée,
Arindal prend la lyre que le magicien lui avait fait
emporter sans lui en dire la raison. Aux sons de cet instrument,
il chante sa douleur, et ses plaintes sont si touchantes que la
pierre s'attendrit, Ada est délivrée, et le royaume des fées et
du bonheur s'ouvre aux deux amants. Si Ada à cause de sa
désobéissance, ne peut devenir mortelle, Arindal, par sa
valeur, a mérité d'être immortel. »
Page:Pourtalès - Wagner, histoire d'un artiste, 1948.pdf/62
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RICHARD WAGNER