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RICHARD WAGNER


renvoie elle-même dans sa patrie, car un arrêt du destin la condamne à rester fée jusqu'à ce que son amant ait triomphé des épreuves ardues qu'elle doit lui imposer. S'il en sort victorieux, elle aura le droit de renoncer à son immortalité pour devenir la femme aimante d'un homme. Le prince rentre dans son royaume dévasté. Il est découragé, et, dans ses heures de plus grande angoisse, la féev lui apparaît, essayant d'ébranler sa foi par des actes d'une cranuté inouïe. Affolé d'horreur, Arindal s'imagine être la victime d'une sorcière qui l'a séduit sous les traits d'Ada. Pour se soustraire à sa puissance néfaste, il prononce des imprécations contre elle. Désespérée, Ada s’affaisse en dévoilant au malheureux leur sort commun : pour avoir bravé la sentence des fées, elle sera changée en pierre (c'est ainsi que j'avais utilisé la métamorphose en serpent de Gozzi). Arindal s'aperçoit alors que toutes les abominations invoquées par la fée n'étaient qu'illusions. La victoire sur les ennemis, la prospérité du royaume se réalisent avec une rapidité magique. Cependant Ada est entraînée par les exécutrices de l'arrêt fatal et Arindal reste seul, en proie à la démence. Ses souffrances ne suffisent pas encore aux fées cruelles. Elles veulent l'anéantissement absolu de celui qui les a bravées et elles l'invitent à les suivre aux Enfers sous le prétexte de lui montrer les moyens le délivrer Ada. À cet espoir, la folie d'Arindal devient un enthousiasme sublime. Il suit les traîtresses, non sans s'être d'abord muni des armes et instruments enchantés que lui avait remis un magicien fidèle à la maison royale. Les fées sont frappées d'étonnement et d'effroi en voyant Arindal vaincre l'un après l'autre les monstres infernaux. Tout espoir de le voir succomber se concentre sur la dernière épreuve dont il ne triomphera certainement pas, puisqu'il s'agit d'attendrir une pierre, la pierre qui sert de prison à Ada. Lorsqu'il se trouve devant cette forme humaine pétrifiée, Arindal prend la lyre que le magicien lui avait fait emporter sans lui en dire la raison. Aux sons de cet instrument, il chante sa douleur, et ses plaintes sont si touchantes que la pierre s'attendrit, Ada est délivrée, et le royaume des fées et du bonheur s'ouvre aux deux amants. Si Ada à cause de sa désobéissance, ne peut devenir mortelle, Arindal, par sa valeur, a mérité d'être immortel. »