Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/104

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pour soutenir l’honneur de leur naissance, et qu’en supposant d’ailleurs que sa fille vécût, il était si difficile qu’elle eût conservé quelque sagesse entre les mains d’un scélérat et dans un pays tel que la Turquie, qu’il ne se persuaderait jamais qu’elle fût digne de paraître dans sa famille.

Cette dernière objection me parut la plus forte. Cependant le premier moment me paraissant décisif pour les sentiments de la nature, je pris le parti de réunir tout ce qui était capable de les réveiller.

« Je n’examine point, lui dis-je vivement, la force de vos scrupules et de vos raisons, parce qu’elle ne peut rien changer à la certitude d’un fait. Votre fille vit. Laissons sa vertu dont ne je puis répondre ; mais j’ose vous garantir qu’il ne manque rien à son esprit ni à ses charmes. Il dépend de vous de la revoir à ce moment, et je vais vous laisser par écrit le lieu de sa demeure. »

En effet, m’étant fait donner une plume, je lui écrivis le nom du maître de langues, et je me retirai aussitôt.

J’étais persuadé que s’il n’était pas tout à fait insensible, il ne résisterait pas un instant à l’impulsion de la nature, et je partis si plein d’espérance que pour me procurer un spectacle agréable, j’allai directement chez le maître de langues, où je m’imaginais qu’il serait peut-être aussitôt que moi. Je n’entrai pas chez Théophé, parce que je voulais me faire un plaisir de sa surprise. Mais quelques