Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/107

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l’aîné, me répondit froidement qu’il y avait peu d’apparence que je fisse goûter à son père une histoire vague et sans vraisemblance. Je ne lui répondis que par le détail des raisons qui me la faisaient regarder d’un autre œil, et lorsque je les eus fortifiés par mes raisonnements, je priai Théophé de lever son voile, pour laisser le temps à ses frères de démêler sur son visage quelques traits de famille. Les deux aînés la considérèrent avec beaucoup de froideur ; mais le plus jeune, dont l’âge ne paraissait pas surpasser dix-huit ans, et qui m’avait frappé d’abord par la ressemblance que je lui avais trouvée avec sa sœur, n’eût pas jeté deux fois les yeux sur elle que, s’avançant les bras ouverts, il lui donna mille tendres embrassements. Théophé n’osant encore se livrer à ses caresses, tâchait modestement de s’en défendre. Mais les deux autres ne la laissèrent point longtemps dans cet embarras. Ils s’approchèrent brusquement pour la tirer des bras de leur frère, en le menaçant de l’indignation de Condoidi, qui serait vivement offensé du parti qu’il prenait contre ses intentions. Je fus moi-même indigné de leur dureté, et je leur en fis des reproches piquants, qui ne m’empêchèrent point d’inviter à s’asseoir pour attendre Condoidi. Outre mon valet de chambre, j’avais avec moi le maître de langues, et deux hommes suffisaient pour me mettre à couvert de toutes sortes d’insultes.