avait tenue avec moi depuis que je l’avais vue au sérail de Chériber. S’était-elle jamais échappée à la moindre action ni au moindre discours qui parût s’accorder avec les intentions que je lui supposais ? N’avais-je pas été surpris au contraire de lui voir saisir vingt fois toutes les ouvertures que j’avais données à ses réflexions, pour les tourner du côté le plus sérieux de la morale ; et n’avais-je pas mieux admiré la pénétration et la justesse qui éclataient dans tous ses raisonnements ? Il est vrai qu’elle me les avait rebattus quelquefois jusqu’à l’excès, et c’était peut-être cette espérance d’affectation qui m’avait empêché de les croire sincères. Je les avais regardés tout au plus comme un exercice qu’elle donnait à son esprit, ou comme l’effet d’une infinité de nouvelles impressions, que l’explication de nos maximes et le récit de nos usages faisaient continuellement sur une imagination vive et inquiète. Mais pourquoi lui faire cette injustice, et ne pas croire effectivement qu’avec un bon naturel et beaucoup de raison, elle avait été sérieusement frappée de mille principes qu’elle trouvait en semence au fond de son cœur ? N’avait-elle pas rejeté nettement les offres du Sélictar ? N’avait-elle pas pensé à me quitter moi-même, pour aller chercher en Europe un état qui répondait à ses idées ? Et si elle avait consenti ensuite à se livrer à mes soins, n’était-il pas naturel qu’elle eût cette confiance pour un
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Apparence