Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/184

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Il ne m’était jamais arrivé de lui parler avec cette ouverture. Elle en fut frappée elle-même jusqu’à rougir. Et, baissant ses yeux :

« Vous ne me rendrez point coupable, me dit-elle, d’une faute qui ne peut être attribuée qu’à mon ignorance ; et si vous avez de moi l’opinion que je veux mériter, vous ne me soupçonnerez jamais de faire pour un autre ce que je n’ai pas fait pour vous. »

Je ne répondis rien à ce discours. Ce sentiment douloureux qui m’occupait encore me rendait rêveur et taciturne. Je ne voyais rien d’ailleurs dans la réponse de Théophé qui satisfît assez mes désirs, pour m’applaudir de les avoir enfin déclarés. Qu’avais-je à espérer, si elle demeurait ferme dans ses idées de vertu, et que me convenait-il de prétendre, si elle les avait oubliées en faveur de Synèse ? Cette réflexion, ou plutôt l’indifférence que je croyais voir dans sa réponse, renouvelant toute mon inquiétude, je la quittai, d’un air moins tendre que chagrin, pour aller commencer à me délivrer de Synèse.

Il était revenu du jardin ; et lorsque je donnai ordre qu’on l’appelât, j’appris qu’il était dans mon appartement. Mais je reçus en même temps des avis de Constantinople qui me jetèrent dans des alarmes beaucoup plus sérieuses pour quelques-uns de mes meilleurs amis. On me faisait savoir par un exprès que l’Aga des Janissaires avait été arrêté la veille, sur quelques soupçons qui