Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/190

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ne vis plus de considération qui fût capable de m’arrêter. Je me rendis chez le Grand Vizir. Ce n’était point par des motifs recherchés que je prétendais faire écouter ma recommandation dans une affaire d’État. Je ne fis valoir que la tendresse de mon amitié, et, prenant soin d’excepter le cas où mes deux amis se seraient chargés de quelque faute dont je ne les croyais pas capables, je conjurai le Vizir d’accorder quelque chose à mes instances. Il m’écouta d’un air sérieux.

« Vous devez être persuadé, me dit-il, que la justice du Grand Seigneur n’est pas aveugle, et qu’elle sait mettre de la distinction entre le crime et l’innocence. N’appréhendez rien pour vos amis, s’ils n’ont rien à se reprocher ! »

Il ajouta que ma recommandation néanmoins ne serait jamais sans poids à la Porte, et qu’il me promettait que les deux Bachas s’en ressentiraient. Mais, éclatant de rire aussitôt, il me dit que le Sélictar devait la croire bien puissante, puisque la crainte lui avait fait chercher un asile dans ma maison. Je ne compris point le sens de cette plaisanterie. Il continua sur le même ton, en affectant même de louer mon embarras et mon silence, qu’il regardait comme l’effet de ma discrétion. Mais lorsque je lui eus protesté dans les termes les plus clairs, que j’ignorais où le Sélictar s’était retiré, il m’apprit qu’ayant attaché des espions sur ses traces, il savait qu’il s’était rendu la nuit