Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/195

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tiers toute entière pour être accompagné de Théophé dans sa fuite. Mais l’intrigante Bema, qui n’avait osé lui promettre un succès si prompt, s’était hasardée à lui proposer une retraite près de sa maîtresse. Ma maison était réglée suivant nos usages, c’est-à-dire que ne m’assujettissant pas même à celui des Turcs, pour le logement des femmes, elles étaient distribuées indifféremment dans les chambres que mon maître d’hôtel leur avait assignées. Celle de Bema joignait l’appartement de Théophé. Ce fut dans ce réduit qu’elle offrit au Sélictar de lui donner un asile. Elle lui en fit d’autant plus valoir la sûreté qu’ignorant moi-même le service qu’on lui rendait dans ma maison, il ne devait pas craindre que je fisse céder l’amitié à la politique, et que d’un autre côté, je ne pouvais manquer d’être fort satisfait, après le péril, d’avoir été de quelque utilité pour mon ami. Il est bien moins étrange que cette pensée fût venue à l’esprit d’une femme exercée dans toutes sortes d’intrigues, qu’il ne l’est qu’un homme du rang de Sélictar puisse l’avoir approuvée. Aussi trouvai-je cet événement si extraordinaire, après en avoir découvert toutes les circonstances, que je le donnerais pour un exemple des plus hautes folies de l’amour, si ce motif n’avait été secondé dans le Sélictar par la crainte où il était pour sa vie.

Mais je puis ajouter que la fierté des Turcs est la première chose qui disparaît