Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/53

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que j’avais eu de plaire à son maître et de l’espérance dans laquelle il prenait soin de mon éducation. Ce qui m’était annoncé comme la plus haute fortune ne se présenta plus à mon imagination que sous cette forme. L’éclat de plusieurs femmes qui composaient son sérail, et dont on me représentait l’heureuse condition, excitait mon impatience. Cependant il était dans un âge si avancé que mon père, désespérant d’en tirer pour toute sa vie les avantages qui l’avaient attiré à Patras, commençait à se repentir d’un engagement dont il avait à recueillir des fruits si courts. Il ne me communiquait point encore ces réflexions ; mais n’ayant point d’obstacles à craindre des principes où l’on m’élevait, il se lia secrètement avec le fils du gouverneur, qui marquait déjà beaucoup de passion pour les femmes, et lui proposa d’entrer dans les droits de son père aux mêmes conditions. On me fit voir à ce jeune homme. Il prit une vive passion pour moi. Plus impatient que son père, il exigea du mien que le terme de leur convention fût abrégé. Je fus livrée à lui dans un âge où j’ignorais encore la différence des sexes.

« Vous voyez que le goût du plaisir n’a point eu de part à ma mauvaise fortune, et je suis moins tombée dans le désordre que je n’y suis née. Aussi n’en ai-je jamais connu la honte ni les remords. L’augmentation des années ne m’a pas même apporté de lumières qui aient pu servir à rectifier mes