Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/62

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on avait fait rouler mon éducation : l’un qui m’avait fait regarder les hommes comme l’unique source de la fortune et du bonheur des femmes ; l’autre qui m’avait appris que par nos complaisances, notre soumission, nos caresses, nous pouvions acquérir sur eux une espèce d’empire, qui les mettrait à leur tour dans notre dépendance, et qui nous en faisait obtenir tout ce qui était propre à nous rendre heureuses. Quelqu’obscurité que j’eusse trouvée dans les desseins de mon père, je me souvenais que c’était aux richesses de l’abondance qu’il avait rapporté toutes ses vues. S’il avait pris tant de soins pour cultiver mes qualités naturelles depuis que nous étions à Constantinople, c’était en me mettant sans cesse devant les yeux que je pouvais espérer mille avantages au-dessus du commun des femmes. Il les attendait donc de moi, beaucoup plus qu’il n’avait le pouvoir de me les procurer ; ou si son adresse devait m’ouvrir les voies, ce n’était que par les moyens de réussir qu’il me connaissait, qu’il se promettait pour lui-même une partie des biens auxquels il me faisait aspirer. Sa mort m’avait-elle fait perdre ce qu’il m’avait dit mille fois que j’avais reçu de la nature ? Ce raisonnement, qui se fortifia dans mon esprit pendant quelques jours de solitude, me fit naître une pensée que je crus capable de m’acquitter de la reconnaissance que je devais à mes hôtes. Ce fut de leur déclarer à quoi mon père m’avait crue