Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/73

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donné un maître de peinture, suivant l’inclination que je lui avais marquée pour cet art. Il me proposa de passer dans l’appartement commun des femmes, dont il m’avait séparée par distinction. La nouveauté du spectacle servit à ranimer un peu mon goût. Je pris plaisir à leurs fêtes et à leurs danses, et je me flattai que, partageant le même sort, nous nous trouverions quelque ressemblance par le caractère et les inclinations. Mais si elles marquèrent de l’empressement pour se lier avec moi, je fus dégoûtée presqu’aussitôt de leur commerce. Je ne trouvai parmi elles que de petites attentions, qui ne répondaient point à ce qui m’occupait confusément, ni à mille choses enfin que je désirais sans les connaître. J’ai vécu dans cette société pendant près de quatre mois, sans prendre aucune part à ce qui s’y est passé ; fidèle à mes devoirs, évitant d’offenser personne, et plus aimée de mes compagnes que je ne cherchais à l’être.

« Le Bacha, sans se relâcher de ses soins pour son sérail, sembla perdre le goût qui l’avait attaché particulièrement à moi. J’y aurais été mortellement sensible dans les premiers temps ; mais comme si mes idées eussent changé avec mon humeur, je vis ce refroidissement avec indifférence. Je me surprenais quelquefois dans une rêverie dont il ne me restait rien à l’esprit quand j’étais revenue. Il me semblait que mes sentiments avaient plus d’étendue que mes connais-