Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/98

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me dit-elle, sans avoir la hardiesse de m’en flatter tout à fait. Vous y voyez donc quelque apparence ? »

Ses yeux se couvrirent de larmes en me faisant cette question.

« Hélas ! reprit-elle aussitôt, pourquoi me remplir d’une idée qui ne peut servir qu’à augmenter ma honte et mes malheurs ! »

Sans pénétrer quel sens elle attachait aux termes de malheur et de honte, j’écartai ces fâcheuses images en lui représentant au contraire qu’elle n’avait rien de plus heureux à souhaiter que de se trouver née d’un autre père que le scélérat qui avait usurpé ce titre. Et le seul doute où elle était là-dessus me paraissant capable de confirmer le mien, je la pressai non seulement de se rappeler tout ce qui pouvait nous conduire à quelqu’éclaircissement pour le temps de son enfance, mais de m’apprendre si elle n’avait point entendu à l’audience du cadi le nom de la dame Grecque dont je la croyais fille, ou du moins celui des accusateurs qui avaient traîné au supplice le malheureux auteur de toutes ses infortunes. Elle ne se rappela rien. Mais en nommant moi-même le cadi, il me parut que j’avais quelques lumières à espérer de ce magistrat, et je promis à Théophé de prendre le lendemain des informations. Ainsi, cette soirée où je m’étais flatté de donner quelque chose à la galanterie, se passa dans des discussions de fortune et d’intérêts.