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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/146

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qu’elle eût plus d’attachement pour la maîtresse que je lui avais donnée que pour moi-même, soit qu’elle fût trompée par l’adresse du comte et de Théophé, je n’appris d’elle que leurs fréquentes entrevues, dont il ne me parut pas même qu’elle cherchât à me faire un mystère.

Je me gardai bien de m’éloigner de notre logement, et, feignant qu’une incommodité m’y retenait malgré moi, je ne quittai point Théophé pendant le reste du jour.

Le comte nous fit demander dans l’après-midi la liberté de nous tenir compagnie. Loin de m’y opposer, je fus charmé qu’il vînt s’offrir à mes observations, et pendant plus de quatre heures tous ses discours et ses mouvements en firent l’unique sujet. Il ne se trahit par aucune indiscrétion ; mais je remarquai avec quelle adresse il fit entrer dans notre entretien tout ce qui pouvait augmenter l’inclination que je supposais pour lui à Théophé.

Il nous raconta quelques-unes de ses aventures galantes, où la tendresse et la confiance étaient toujours des vertus par lesquelles il s’était signalé. Soit vérité ou fiction, il avait aimé uniquement une dame romaine, qui lui avait fait acheter d’abord assez cher la conquête de son cœur, mais qui n’avait pas plutôt connu le fond de son caractère, que, se livrant à lui sans réserve, elle n’avait plus mis de bornes à sa tendresse. C’était cette aventure qui l’avait arrêté depuis deux ans