propres pleurs trahissaient mon désespoir et ma consternation. En effet, nous étions ruinés si absolument, qu’il ne nous restait pas une chemise.
Je pris le parti d’envoyer chercher sur-le-champ M. Lescaut. Il me conseilla d’aller à l’heure même chez M. le lieutenant de police et M. le grand prévôt de Paris. J’y allai, mais ce fut pour mon plus grand malheur ; car, outre que cette démarche et celles que je fis faire à ces deux officiers de justice ne produisirent rien, je donnai le temps à Lescaut d’entretenir sa sœur et de lui inspirer pendant mon absence une horrible résolution. Il lui parla de M. de G*** M***, vieux voluptueux qui payait prodigalement ses plaisirs, et lui fit envisager tant d’avantage à se mettre à sa solde, que, troublée comme elle était par notre disgrâce, elle entra dans tout ce qu’il entreprit de lui persuader. Cet honorable marché fut conclu avant mon retour, et l’exécution remise au lendemain, après que Lescaut aurait prévenu M. de G*** M***.
Je le trouvai qui m’attendait au logis ; mais Manon s’était couchée dans son appartement, et elle avait donné ordre à son laquais de me dire qu’ayant besoin d’un peu de repos, elle me priait de la laisser seule pendant cette nuit. Lescaut me quitta après m’avoir offert quelques pistoles, que j’acceptai.
Il était près de quatre heures quand je me mis au lit ; et m’y étant encore occupé longtemps des moyens de rétablir ma fortune, je m’endormis si tard, que je ne pus me réveiller que vers les onze heures ou midi. Je me levai promptement pour