avait eu d’y donner occasion. « Je vous suis obligé de ce sentiment, repris-je ; mais le mal serait fait, et le remède fort incertain. Ainsi le parti le plus sage est de le prévenir en quittant Chaillot pour prendre une autre demeure. — Oui, reprit M. de T*** mais vous aurez peine à le faire aussi promptement qu’il faudrait ; car G*** M*** doit être ici à midi ; il me le dit hier, et c’est ce qui m’a porté à venir si matin pour vous informer de ses vues. Il peut arriver à tout moment. »
Un avis si pressant me fit regarder cette affaire d’un œil plus sérieux. Comme il me semblait impossible d’éviter la visite de G*** M***, et qu’il me le serait aussi, sans doute, d’empêcher qu’il ne s’ouvrît à Manon, je pris le parti de la prévenir moi-même sur le dessein de ce nouveau rival. Je m’imaginai que, me sachant instruit des propositions qu’il lui ferait et les recevant à mes yeux, elle aurait assez de force pour les rejeter. Je découvris ma pensée à M. de T***, qui me répondit que cela était extrêmement délicat. « Je l’avoue, lui dis-je ; mais toutes les raisons qu’on peut avoir d’être sûr d’une maîtresse, je les ai de compter sur l’affection de la mienne. Il n’y aurait que la grandeur des offres qui pût l’éblouir, et je vous ai dit qu’elle ne connaît point l’intérêt. Elle aime ses aises, mais elle m’aime aussi ; et dans la situation où sont mes affaires, je ne saurais croire qu’elle me préfère le fils d’un homme qui l’a mise à l’hôpital. » En un mot, je persistai dans mon dessein ; et m’étant retiré à l’écart avec Manon, je lui déclarai naturellement tout ce que je venais d’apprendre.