n’était pas la première fois que vous les eussiez vus. Les mêmes, sur ma foi ! ils étaient de votre goût, ma belle ! je me le persuade aisément. Les pauvres enfants ! ajouta-t-il, ils sont bien aimables en effet l’un et l’autre, mais ils sont un peu fripons. »
Mon cœur crevait de rage à ce discours insultant. J’aurais donné pour être libre un moment… juste ciel ! que n’aurais-je pas donné ? Enfin je me fis violence pour lui dire avec une modération qui n’était qu’un raffinement de fureur : « Finissons, monsieur, ces insolentes railleries ; de quoi est-il question ? voyons, que prétendez-vous faire de nous ? — Il est question, monsieur le chevalier, me répondit-il, d’aller de ce pas au Châtelet. Il fera jour demain ; nous verrons plus clair dans nos affaires, et j’espère que vous me ferez la grâce, à la fin, de m’apprendre où est mon fils. »
Je compris, sans beaucoup de réflexions, que c’était une chose d’une terrible conséquence pour nous d’être une fois renfermés au Châtelet. J’en prévis en tremblant tous les dangers. Malgré toute ma fierté, je reconnus qu’il fallait ployer sous le poids de ma fortune, et flatter mon plus cruel ennemi pour en obtenir quelque chose par la soumission. Je le priai d’un ton honnête de m’écouter un moment. « Je me rends justice, monsieur, lui dis-je ; je confesse que la jeunesse m’a fait commettre de grandes fautes, et que vous êtes assez blessé pour vous en plaindre. Mais si vous connaissez la force de l’amour, si vous pouvez juger de ce que souffre un pauvre malheureux jeune homme à qui l’on enlève tout ce qu’il aime, vous me trouverez peut-