Page:Pradels - Rupture de banc, 1887.djvu/7

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plus à faire que trois ans, onze mois et quarante-deux jours ! »

En entendant ça, Aglaé fait un bond de surprise,… elle retombe… patatras !… le banc se casse par le milieu et nous tombons le nez par terre. Je dis le nez, parce que le militaire il est toujours civil dans son langage. Aglaé se relève furibonde et me dit d’un ton méprisable : « Vous se fichez de moi, vous n’êtes qu’un polisson ! » Et la voilà partie !

Moi, j’étais épastrouillé ! quand je me remets de mon épastrouillement, plus d’Aglaé ! elle s’était-z-éclipsée.

Je me mets à sa poursuite. Au bout de dix pas, je me cogne dedans deux hommes barbus qui me dévisagent dessous le nez, en me barrant la route. J’entends un des deux qui dit à l’autre : — « C’est bien lui, c’est le signalement : front moyen, nez moyen, bouche moyenne, teint moyen ; prenant parfois le costume militaire… Dites donc (qu’il me fait), c’est vous ? » — Ça, je pouvais pas le nier, je lui réponds : — « Oui, c’est moi. — Alors, dit le second, vous êtes en rupture de ban ? — Comment, vous savez déjà ?… — Ah ! il avoue ; saisissons-le ! » Alors, sans m’écouter, ils me lient les mains, me mettent dans un fiacre et me conduisent devant un grand vieux qu’ils appelaient Monsieur le juge. Moi, pendant le voyage, j’avais plus la force de parler ; je faisais que de penser en moi--