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le garde-voie

tence nouvelle et jeté sur l’avenir un regard étonné, que brusquement le souvenir du déshonneur de son père, dont personne ne parlait plus depuis longtemps, sortit tout vivant de l’ombre.

Avec des détails nouveaux, inouïs, l’ancienne histoire circula de bouche en bouche, et les enfants de la rue, en voyant passer Catherine au milieu d’eux, commencèrent à lui jeter des pierres. Ils la poursuivaient en lui criant : « Hou… hou… la voleuse. »

La famille de Jérôme refusa tout accueil à cette malheureuse, dont le sang charriait du vice et que le mépris de la rue salissait.

Catherine courbait la tête sous l’insulte. Ce crime, qu’elle n’avait pas commis, elle en sentait tellement le poids sur sa conscience qu’elle en restait écrasée. Il ne lui venait pas à l’idée de se révolter contre un sort injuste, et encore moins d’implorer la pitié du monde. Elle était si habituée à porter son fardeau qu’elle le reprit, après ce court repos, sans proférer un mot de plainte.

Lorsque Jérôme, après deux mois d’absence, se fit relever de sa garde pour venir la chercher, il la trouva aussi résolue au célibat qu’il l’avait vue naguère prompte à accepter son affection. Il avait passé deux mois de solitude, avec la pensée toujours présente de cette jeunesse qui allait partager sa vie isolée. La défection incompréhensible de Catherine fouettait sa passion jusqu’au délire. Bien qu’il fût d’ordinaire d’humeur pacifique, il éclata en reproches