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le garde-voie

lées précipitamment, haïssant d’une haine profonde ce travers d’esprit dont elle avait eu tant à souffrir.


De précoces ténèbres d’hiver couvraient depuis longtemps la campagne, et Catherine, les yeux ouverts, attendait le passage du premier train de la nuit. Elle avait dormi toute une heure. Engourdie par la lourde tombée de neige, contre son habitude lorsque Jérôme était absent, elle s’était laissée aller au sommeil sans s’en apercevoir. À son réveil brusque une sensation de frayeur tout à fait inconnue la paralysait. Quelque mauvais rêve avait troublé son court repos, lui laissant les membres lourds et l’esprit inquiet. Pour dissiper ce malaise, elle s’assit sur son séant et ouvrit tout à fait les yeux.

Derrière les petits rideaux de mousseline, le givre couvrait d’épaisses arabesques les vitres de la fenêtre. La neige avait cessé. Tamisé par la dense couche de glace appliquée sur le verre, un vif rayon de lune entrait dans la chambre. Aussi nettement qu’en plein jour, Catherine distinguait tous les angles de sa demeure. Il faisait froid, très froid. Là-bas, Jérôme devait grelotter à côté de son mauvais petit poêle fumant, et elle réfléchit qu’il fallait qu’il trouvât à son retour, pour se dégourdir, un feu nourri dans l’âtre.

Un instant, elle écouta si elle n’entendait pas dans la distance la rumeur du train, mais elle ne discernait aucun bruit si ce n’est, derrière sa tête, le tic tac ac-