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Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/128

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les ignorés

pela d’une voix aiguë qui déchirait l’air comme tout à l’heure le sifflet de la vapeur :

— Jules… Jules… !

Il n’était pas possible qu’elle laissât le fils s’en aller avec ce crime sur la conscience et qu’elle accueillît le père avec son ordinaire sérénité. Qu’est-ce qu’elle lui dirait à son retour ?

Elle répéta son appel de toutes les forces de ses poumons :

— Jules… Jules…

Sans cesser de s’éloigner, le jeune homme tourna légèrement la tête.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Écoute !

— Il fait trop froid pour causer sous la lune. Vous me direz ça une autre fois.

Et il se mit à courir pour tout de bon, plongeant dans la neige jusqu’aux chevilles.

Catherine retourna à pas lents vers la maisonnette où, sans orage ni choc, elle avait vécu tant de jours heureux.

Le feu qu’elle avait allumé pour sécher et réchauffer le fils de Jérôme brûlait en crépitant Elle s’assit à côté du brasier, fit un suprême effort pour rassembler ses idées bouleversées et se mit à réfléchir.

Que fallait-il faire ? Deux partis se présentaient à sa pensée. Cacher l’événement à Jérôme en mentant, ou lui avouer la vérité. Avouer la vérité, c’est-à-dire dévoiler à ce père, face à face, que le fils