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les ignorés

imprudent de laisser une jeune fille s’en aller ainsi par les chemins et les forêts, la nuit ?

Elle fut surprise de l’entendre introduire un sujet que, pour lui plaire, elle avait banni de leurs entretiens. Elle voulut le laisser libre de le poursuivre ou de l’abandonner à son gré.

— Puisque sa propre mère y consent, dit-elle simplement, personne n’y peut rien.

Michel garda un moment le silence, puis il dit :

— C’est vrai.

De nouveau, il réfléchit quelques secondes, préoccupé. Il reprit enfin d’un ton bas :

— Regardez, tante Suzanne, comme le ciel est beau de ce côté. Les nuages sont comme de l’or. C’est la lune qui va se lever. Si nous éteignions un moment la lampe ? Voulez-vous ?

Ce désir d’obscurité étonna Suzanne Roy, l’inquiéta. Elle dit très bas :

— Si tu veux… éteins-la… Pourquoi pas ?

Michel souffla au-dessus du verre.

À l’orient, une clarté rousse teignait l’horizon. On distinguait, à travers les nuages légers, le disque énorme, tout rond, qui s’élevait lentement. Des champs et des champs, des prés et des prés se déroulaient grisâtres. Plus loin les forêts formaient de larges étendues d’un noir d’encre, traînant au fond des vallons ou grimpant les côteaux abrupts jusqu’au sommet.

Suzanne avait passé son bras sous celui de Michel