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les ignorés

poussait en avant toujours plus vite, comme une force s’accumulant de plus en plus.

Elle arriva jusqu’à la lisière de la forêt sans rencontrer âme qui vive. Sous la futaie épaisse et déjà, par place, jaunissante, régnait une si dense obscurité, qu’y pénétrer en vue d’y découvrir quelqu’un eût été une tentative insensée. Elle se mit à marcher le long des arbres sur la route directe que Michel, pour rentrer à la ville à cette heure tardive, prendrait certainement.

Au bout d’une centaine de pas à peine elle entendit, en effet, nettement la voix du fils de Valentin. Bien qu’elle ne le vit pas, Michel était tout près d’elle, et il parlait à quelqu’un…

Elle se glissa sous les arbres, si saisie d’émotion, de surprise et de chagrin que son premier mouvement fut de se cacher de son fils adoptif comme il se cachait d’elle. Quand Michel se taisait, elle entendait le murmure d’une autre voix semblable à un grelot argentin, à un lointain bruit de clochette.

À en juger par le bruit grandissant des paroles, les deux promeneurs devaient approcher rapidement, comme s’ils avaient, enfin, conscience de s’être attardés trop longtemps sous l’ombre épaisse et mystérieuse de cette sombre forêt.

Leurs voix devinrent très distinctes, puis tout à coup elles cessèrent. Suzanne fit quelques pas à tâtons dans l’obscur taillis, et elle allait crier, appeler, quand elle les vit passer tout près d’elle. Angélique