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Est-ce vraiment le mot qu’il faudrait employer ? Tant d’éléménts de tristesse se mêlaient sourdement à notre réunion ! L’irritation de papa, d’abord, que je sentais grandissante à mesure que je trouvais plus de plaisir à étudier avec Lucien les plantes et les bêtes qu’il m’apprenait à regarder vivre autour de nous, à comprendre, à aimer… et puis le cauchemar de ce départ qui approchait. Il ne voulait jamais que je lui en parle, et si parfois, malgré son déplaisir, je me risquais à y faire allusion avec la tenace espérance que ce malheur pourrait être évité, il me désabusait d’un mot bref :

— Il le faut, c’est inutile d’en parler, il le faut.

Exaspérée, je le pourchassais de questions :

— Pourquoi… mais pourquoi ?

Alors toujours l’expression désolée passait sur son visage, le contractait un moment, mais il ne répondait rien. Quelque chose de lourd m’oppressait… m’oppressait et, moi aussi, je me taisais.

Enfin l’affreux jour arriva. J’avais demandé à papa la permission de manquer l’école, et après un moment d’hésitation, d’un signe de tête muet, il me l’avait accordée.