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Lucien devait partir le matin.

Dès que je fus prête, je courus au jardin. Il m’avait promis qu’une dernière fois nous nous assiérions ensemble à l’ombre du lilas, vous savez, du gros lilas blanc qui est derrière la maison. C’était l’automne, il n’y avait plus de fleurs, mais le feuillage touffu se dressait tout droit, immobile sur un ciel uni, blanc comme un linceul. Pas un souffle d’air ne passait dans les branches et on n’entendait rien si ce n’est, dans la cour, le bruit des sabots de la jument qui frappait la pierre avec impatience. Quelque chose d’écrasant pesait dans l’atmosphère atone.

Je m’étais assise sur le banc où si souvent nous avions trié et classé les fleurs que Lucien aimait, et je l’attendais, le cœur bondissant. Il me semblait que toute ma vie future tenait dans cette minute unique qui allait venir et disparaître. Chose étrange, ce n’était pas de la tristesse que j’éprouvais à ce moment-là, ce n’était que l’ardente expectative de ce dernier revoir.

Enfin je vis Lucien descendre en courant les degrés du perron. Il disparut un instant derrière les massifs de verdure, puis il surgit devant moi, les traits bouleversés et tellement