Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 160 —

retour de la voiture. Tous mes cahiers étaient fermés et je ne sentais plus passer le temps. À mon chagrin se mêlait un désir si intense de comprendre que j’en ressentais une sorte d’apaisement passager. Je n’éprouvais plus ni crainte, ni timidité et j’attendais de pied ferme papa pour l’interroger. À tout prix, je voulais savoir pourquoi Lucien était parti.

Enfin le phaéton entra dans la cour. Je vis papa sauter à terre, jeter les rênes à Joseph et le rappeler pour lui faire quelque recommandation au sujet de la jument, tandis que maman, le visage inquiet, l’interrogeait. Ils me semblaient tous deux mécontents et contrariés. Ils montèrent ensemble les degrés du perron et, au bout d’un instant, j’entendis papa demander :

— Où est Isabelle ?

Presque aussitôt, il entra. Il me vit debout près de la fenêtre, et, vivement, vint à moi. Il prit ma tête entre ses mains, et me regarda tendrement sans rien dire. Moi, je demeurais immobile sans même penser à jeter mes bras autour de son cou ; j’avais un tourbillon dans l’esprit et un tel battement de cœur que, malgré la tension de ma volonté, je ne parvenais pas à prononcer une syllabe. Papa me dit enfin :