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avait cueilli le fruit de sa félonie. Épouse et mère, elle savourait, sans doute, son opulence à pleines lèvres avec l’appétit brutal qu’il avait vu briller dans ses yeux, le soir où elle avait froidement comparé, devant lui, les chances d’un avenir douteux et lointain avec la certitude d’un sort brillant, immédiat.

Se lier à une femme après cette cruelle déception, non ! Pour réunir et ranimer les débris de son cœur trompé, il faudrait un être créé tout exprès, une fée, une créature qui n’existait pas ! Toutes les femmes qu’il rencontrait le laissaient indifférent. Il n’avait pas besoin d’elles. Aucun vide cruel ne tourmentait sa vie et l’emploi des heures fugitives ne lui pesait jamais.

N’avait-il pas son foyer, sa mère, Philippe ? Et depuis quelque, temps, sans qu’il pût comprendre ce qui avait donné lieu à l’éclosion subite de ce sentiment vivace, la fille de Philippe ne le réjouissait-elle pas aussi par le témoignage quotidien d’une amitié de plus en plus expansive ?

À cette pensée les impressions pénibles que l’insistance de sa mère avait un moment tirées de l’oubli perdirent leur acuité ; bientôt toute trace de trouble au sujet du passé disparu,