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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

en voiture. Tout le monde, en route, nous croyait fous. J’avais les cheveux blancs en arrivant chez ma sœur, parmi tous ces convois.

Ces lignes permettent d’imaginer ce que fut ce voyage, un des plus affreux dans l’odyssée de ces comédiens. Ils allaient vers Rouen, comme vers un grand espoir, la dernière étape avant l’arrivée : il était temps. Ah ! les diligences, les coches d’eau, les octrois, les cordons sanitaires, et ce Paris encombré de cadavres, que l’on enterrait par fournées, ce Paris épouvantable, dont on avait tant rêvé, qu’il fallait fuir en grande hâte ! Ils débarquèrent là-bas, brisés et fort inquiets. Toutes les nouvelles qu’ils recueillirent sur place les effrayèrent. Si le public de Lyon se montrait morne et indifférent, celui de Normandie se passionnait pour les choses de théâtre. Il idolâtrait ses artistes préférés. Mélingue lui avait dû sa première gloire. Plus tard, voyant l’Église, encore très intransigeante sur cette question si mal comprise en France, refuser la sépulture ecclésiastique à Mlle Duversin, il fomentera une véritable émeute, se précipitera contre les portes de la cathédrale, et malgré la résistance du clergé, y traînera le cercueil de la prétendue excommuniée. Par contre, quelles sévérités, quelles cabales ! Nos Rouennais ont leurs enthousiasmes, mais aussi leurs antipathies… et ils ne cherchent pas à les dissimuler. Ils se vantaient d’avoir sifflé