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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

ment, il lui préférait Bocage ou Mélingue, mais il lui savait gré de sa conscience et de son dévouement.

En décembre 1835, le bon mulâtre grimpa les étages de l’appartement de la rue de Clermont. Là-haut, il trouva son interprète, entièrement découragé. Ce qu’il exerçait maintenant, c’était ce qu’il y avait de pire au monde : un métier sans joie. Aussi formait-il d’étranges rêves : ouvrir une maison d’éducation à Paris, pour y remettre en honneur les bonnes études classiques ; emmener sa famille dans une cour étrangère, où il enseignerait la diction, le maintien et la poésie ; entrer dans l’administration, fut-ce dans les ponts et chaussées, l’enregistrement, la conservation des hypothèques ! Ici, Dumas poussait un gémissement douloureux, il protestait de sa grosse voix : « Allons, allons, tu es fou ! Tu joues La Tour de Nesle, et tu peux penser sans frémir à ces épouvantables besognes ? » Auprès d’eux, la pauvre et laide Marceline, qui, pour se mettre en frais, a revêtu un corsage à manches à gigot, coiffé un foulard jaune et ceint un de ses anciens tabliers de soubrette en soie gorge de pigeon, sourit et soupire.

— Hé ! certes oui, vous avez raison, et, pourtant, si mon mari obtenait une bonne place de fonctionnaire, grâce aux relations dont nous disposons, nous nous estimerions bien tranquilles, à côté de l’horrible vie d’incertitude