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LE MARI SIFFLÉ

tonsor épile ses clients, où ceux-ci frondent négligemment l’empereur, en commentant les « actes diurnaux » ; les délateurs interviennent ; et lorsque surgit le cortège triomphal de Caïus, il croise le brancard où l’on emporte le cadavre d’un jeune stoïcien, qui vient de s’ouvrir les veines :

C’est un bienfait des dieux de mourir à vingt ans,
Frère, et de ne pas voir, de nos jeunes années,
Se sécher à nos fronts les couronnes fanées !

Quel Théophile Gautier, quel Gérard de Nerval était passé par là, répandant une poésie brillante, pittoresque, pathétique même par endroits, et qui baignait tout l’ouvrage, avec ses tableaux saisissants : les terrasses du Palatin, l’atrium de l’empereur, et la fête nocturne, pendant laquelle on étrangle Caligula, et l’on découvre Claude dans un placard. « À moi l’empire ! » s’écrie l’imbécile ahuri. « — À moi l’empire et l’empereur ! » répond Messaline.

Le public de 1838 goûta très peu ce genre de spectacle, qui lui paraissait relever davantage des parades d’hippodrome que de l’austère tragédie. D’ailleurs, même aujourd’hui, le Français formé par les études gréco-latines, ne souffre pas qu’on essaie de le détourner de l’idée qu’il s’est forgée d’une antiquité morte, solennelle et figée. À part l’exceptionnel succès de Quo vadis ? combien de Caligulas ont subi le sort du premier ?