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DERNIERS EFFORTS

Mme Alphonse Daudet, dans ses précieux Souvenirs, nous a donné du ménage un croquis étonnamment précis et vivant :

… De longues boucles blondes, qui devaient être factices, entourant un visage amaigri pétri de tristesse et de bonté, aux yeux bleus levés sans cesse plus haut que la vie, la voix douce, le geste dolent. Dans un modeste intérieur, à un cinquième étage de la rue de Rivoli, je revois la chère femme dans ses toilettes surannées sentant les débuts au théâtre, et le visage mélancolique de M. Lanchantin, mari de la grande poétesse.

Elle suivait la mauvaise chance de son mari, artiste incompris, le soignait comme un enfant, comme un enfant mécontent, usait en préoccupations ménagères ses poétiques tendances, et, sortant des coulisses, courait s’agenouiller dans les églises[1]

Y a-t-il quelque chose à ajouter à cette évocation ? Une seule : c’est que Marceline se mourait.

Comment avec une existence aussi déchirée, et de toutes manières, avait-elle pu résister si longtemps ? L’énergie de cette âme de flamme, qui galvanisait, depuis des années de souffrance et de misère, ce corps prodigieusement usé, explique seule ce miracle. Fatigues, privations, déboires, angoisses de

  1. Souvenirs d’un groupe littéraire.