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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

vait être aussi la merveille de ce genre. On me disait : « C’est un meurtre de ne pas montrer un tel diamant sur la scène. Vous pourriez faire sa fortune et la vôtre. » Cette idée m’a fait horreur…

On ne saura jamais exactement ce que put être cette première tournée théâtrale d’une gamine accompagnée par une mère qui ne savait rien du monde des coulisses, ni du monde tout court. Ce qui en subsiste à travers les soupirs de la correspondance de Marceline, les allusions de ses poésies ou de ses romans, est beaucoup trop frotté de la littérature la plus inconsciemment romantique pour nous apprendre rien. Les deux femmes errèrent pendant deux ans entiers à Lille, à Rouen, à Rochefort, à Bordeaux, puis à Pau, à Toulouse, à Tarbes, à Bayonne…

L’enfance cahotée de Marie Dorval est une idylle à côté de celle-ci, car la future Kitty Bell faisait partie d’une troupe où sa mère tenait un rôle important, tandis que dans les misérables théâtres de province de la fin du Directoire, quelle existence pouvait mener cette pauvre vagabonde implorante, venant offrir son « petit prodige », en train d’user précocement sa voix et de ruiner sa santé, à de lamentables et méprisables impresarii ? Salaires toujours douteux, honteuses promiscuités, partenaires grossiers ou corrompus… Valmore lui-même, qui avait suivi la filière parisienne menant