Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
UNE JEUNE PREMIÈRE

dans la rue. Naturellement, le voisin s’empresse de le rapporter. C’est le jeune colonel Valcour, type que Scribe n’a donc pas inventé. Inutile de dire que ce militaire est un don Juan. Il joue immédiatement le grand jeu, se livre à la cour la plus serrée, et parie qu’il gagnera sa cause en vingt-quatre heures. Le montant de la gageure est fixé à 12.000 francs. Et, dès lors, nous assistons aux diverses manœuvres de cet officier entreprenant. Tantôt, il déclare qu’il va quitter Paris, car son père le rappelle auprès de lui pour le marier contre son gré… Première émotion. Tantôt, il annonce à l’aimable veuve qu’elle a gagné son procès, mais grâce à son entremise : deuxième émotion et reconnaissance. Tantôt enfin, il apparaît en grand deuil. « Ah ! mon Dieu ! Quel malheur vous est donc arrivé ? » — En réalité, rien du tout ; mais c’est le coup de la pitié, qui entraîne la reddition de la place, c’est-à-dire la main de la dame : car nous ne sortons pas du bon motif.

Peut-être que Marceline, dans cette longue lutte contre un séducteur, triomphait grâce à sa mélancolie déjà désabusée ; peut-être aussi par des qualités de finesse, d’esprit, d’une certaine gaieté même qu’on ne découvrait chez elle qu’à la longue, mais qui existaient néanmoins et constituaient un des attraits les plus prenants de sa nature essentiellement complexe.

En tout cas, nous ne pouvons garder aucun