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LE FIANCÉ

tout devant le trouble et les angoisses que lui avaient donnés ses premières avances.

Les confidences s’arrêtèrent là. Avouer sa faute, sa maternité, comme une chose de notoriété publique, c’était relativement facile. Ce deuil, au premier chef, s’avérait comme le principal motif de son acceptation. Mais comment toucher à la plaie encore vive de l’amour, cause première de ces maux ? Le nom d’aucun séducteur ne fut prononcé, et Valmore n’insista pas. Il demeura, il devait demeurer dans le doute toute sa vie, et ce fut son tourment, car il n’était ni sceptique, ni indifférent, ni amoral ; bien plus, un feu secret le brûlerait longtemps, celui de la jalousie, étouffé au dehors par la timidité, une vergogne d’amour-propre, la crainte de blesser, — car Marceline ne parlait jamais de ceux qui furent ses intimes, et surtout de celui-là qui lui tenait davantage au cœur. Silence complet ou dénégations passionnées. Rien de plus invraisemblable en apparence, et pourtant rien de plus naturel ni de plus vrai.

Mais ce que sa femme ne disait pas, elle le chantait. Cette âme passionnée et blessée exhalerait une mélodie qui traverserait les années. Ce serait elle, le poète de ces mornes saisons, et non point MM. Raynouard, Népomucène Lemercier, Écouchard Lebrun ou Luce de Lancival… Cela, M. Valmore serait bien loin de le supposer ; il comprendrait cependant que dans ces romances et ces élégies fré-