Aller au contenu

Page:Premare - Lettre inédite du P. Premare sur le monotheisme des Chinois, edition Pauthier, 1861.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous lui donnons, et blasphème contre l’Homme-Dieu que nous adorons[1], sans qu’aucun missionnaire ait osé écrire pour la défense de Jésus-Christ. Si on peut faire connaître ce Dieu sauveur sans se servir des termes de Thien et de 上帝 Chang-ti, et sans avoir recours aux anciens monuments, que ne le fait-on ? C’est une cause qui doit intéresser également tout ce qu’il y a de missionnaires en Chine. En quelle conscience peut-on laisser les Chinois dans la persuasion où ils doivent être que nous n’avons rien de bon à répondre, puisque nous ne répondons rien ? La moins mauvaise raison que je puisse apporter d’un tel silence, c’est que, d’un côté, on sent bien qu’une apologie dépourvue d’arguments tirés des King ne ferait nulle impression sur l’esprit des Chinois, et que, de l’autre, on craint d’aller peut-être contre les ordres de la Sacrée Congrégation, si on employait les mots de Thien et de 上帝 Chang-ti[2]. Voilà ce qui nous arrête. N’est-ce pas un point d’une assez grande importance pour qu’on expose au Saint-Siège l’état où nous sommes réduits, et l’extrême nécessité qu’il y a de faire une apologie claire et solide, dans laquelle on fasse connaître aux Chinois la vérité et l’excellence de notre sainte religion ? Mais comme cela regarde Messeigneurs les Évêques, je finis cette lettre comme je l’ai commencée, et je proteste tout de nouveau que j’aimerais mieux mourir que de violer en quoi que ce soit les défi-

  1. C’est dans une instruction, 上諭 Chang-yu, que fit l’empereur à propos de l’audience donnée à l’ambassadeur du Portugal, et cela fut mis tout au long dans la Gazette publique, afin qu’il n’y eût pas en Chine le moindre petit coin où l’on ne sût que la loi de Thien-tchu est pleine de rêveries. (Pr.)
  2. Après une controverse qui a duré plusieurs années et donné lieu à de nombreuses publications, les missionnaires protestants en Chine se sont partagés, comme autrefois les missionnaires catholiques, sur la manière de représenter en chinois le nom de Dieu. La grande majorité, toutefois, a adopté l’expression Chang-ti, comme représentant dans les anciens livres canoniques chinois, la même idée que les mots Elohim et theos dans la Bible ; et c’est l’expression employée par eux dans la traduction de la Bible en chinois, publiée à Chang-hai, en 1855, 4 vol. petit in-8o, dont 3 vol. pour l’Ancien Testament et 1 vol. pour le Nouveau. (G. P.)