Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/11

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X.


Je ne bouge non plus qu’un escueil dedans l’onde
Qui fait fort à l'orage, & le fait reculer,
Il me trouve affermi, qui cherche à m'esbranler,
Deusse-je voir bransler contre moy tout le monde.

Chacun qui voit combien tous les jours je me fonde
Sur ce constant dessein, se mesle d'en parler,
Trouble la terre & l'air afin de me troubler
Et ne pouvant rien plus, pour le moins il en gronde.

Mais je n'escoute point, que pour le mespriser,
Ce propos enchanteur qui tend a mabuser
Et me ravir le bien que leur rage m'envie.

Laissons laissons le dire un seul mot me suffit
Qu'en la guerre d'amour une ame bien nourrie
Emporte tout l'honneur emportant le profit.


XI


Tous mes propos jadis ne vous faisoyent instance
Que de l'ardant amour dont j'estois embrazé :
Mais depuis que vostre œil sur moy s'est appaisé
Je ne vous puis parler rien que de ma constance.

L'amour mesme de qui j'espreuve l'assistance
Qui sçait combien l'esprit de l'homme est fort aisé
D'aller aux changemens, se tient comme abusé
Voyant qu'en vous aimans j'aime sans repentance.

Il s'en remonstre assez qui bruslent vivement,
Mais la fin de leur feu qui se va consommant
N'est qu'un brin de fumee & qu'un morceau de cendre.

Je laisse ces amans croupir en leurs humeurs
Et me tiens pour contens, s'il vous plaist de comprendre
Que mon feu ne sçauroit mourir si je ne meurs.