Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/13

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XIIII.


Quand le vaillant Hector, le grand rampart de Troye,
Sortir tout enflammé, sur les nefs des Gregeois,
Et qu'Achille charmoit d'une plaintive voix
Son oisive douleur, sa vengeance de joye.

Comme quand le Soleil dedans l'onde flamboye
L'onde des rais tremblans repousse dans les toits :
La Grece tout ainsi flottante ceste fois
Eust peur d'estre à la fin la proye de sa proye.

Un seul bouclier d'Ajax se trouvant le plus fort
Soustint ceste fureur & dompta cet effort,
J'eusse perdu de mesme en ceste horrible absence

Mon amour, assailli d'une armee d'ennuis,
Dans le travail des jours, dans la langeur des nuicts
Si je ne l'eusse armé d'un bouclier de constance.


XV.


Ceste brave Carthage, un des honneurs du monde
Et la longue terreur de l'empire Romain,
Qui donna tant de peine à son cœur, à sa main,
Pour se faire premiere, & Rome la seconde

Apres avoir dompté presque la terre & l'onde,
Et porté dans le ciel tout l'orgueil de son sein,
Esprouva mais trop tard, qu'un superbe dessein
Fondé dessus le vent il faut en fin qu'il fonde

Ceste insolente là la pompe qu'elle aima
Le brasier devorant du feu la consuma :
Que je me ris au lieu, Carthage, de te plaindre.

Ton feu dura vingt jours, & bruslas pour si peu,
Helas que dirois-tu si tu voyais qu'un feu
Me brusle si long-temps sans qu'il se puisse esteindre?