Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/14

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XVI.


Je prens exemple en toy, courageuse Numance,
L'un des grands fleaux de Rome, & comme toy je veux
Praticquant la valeur, apprendre à nos neveux
Qu'il faut vaincre en l'assaut, mourir en la deffence.

Durant tes quatorze ans, l'insolente arrogance
De tes longs ennemis du bonheur despourveus,
Contre tant de vertu s'arrachoit les cheveux
Et s'arrachoit plus fort encore l'esperance :

En fin on n'eust moyen propre a te surmonter
Que te laisser toy-mesme à toy-mesme dompter,
Et toy tu ne laissas que tes murs & ta cendre :

Ainsi tous ces ennuis dont je vaincs les efforts
S'ils se trouvent en fin plus rusez que plus forts,
J'aime mieux comme toy mourir que de me rendre.


XVII.


Je sens dedans mon ame une guerre civile
D’un parti ma raison, mes sens d’autre parti,
Dont le bruslant discord ne peut estre amorti
Tant chacun son tranchant l’un contre l’autre affile.

Mais mes sens sont armez d’un verre si fragile
Que si le cœur bientost ne s’en est departi
Tout l’heur vers ma raison se verra converti,
Comme au party plus fort plus juste & plus utile.

Mes sens veulent ployer sous ce pesant fardeau
Des ardeurs que me donne un esloigné flambeau,
 Au rebours la raison me renforce au martyre.

Faisons comme dans Rome, à ce peuple mutin
De mes sens inconstans arrachons-les en fin,
Et que notre raison y plante son Empire.