Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/18

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XXIIII.


Mon Soleil qui brillez de vos yeux dans mes yeux,
Et pour trop de clarté leur ostez la lumiere,
Je ne voy rien que vous, & mon ame est si fiere
Qu’elle ne daigne plus aimer que dans les cieux.

Tout autre amour me semble un enfer furieux,
Plein d’horreur et de mort dont m’enfuyant arriere
J’en laisse franchement plus franche la carriere
A ceux qui sont plus mal et pensent faire mieux.

Le plaisir, volontiers, est de l’amour l’amorce,
Mais outre encor je sens quelque plus vive force
Qui me feroit aimer malgré moy ce Soleil :

Cette force est en vous dont la beauté puissante
La beauté sans pareil, encor qu’elle s’absente
A tué cest amant, cest amant sans pareil.


XXV.


Contemplez hardiment tous ceus qui sont coustumé
De se sacrifier à l'autel des beautez,
Vous verrez que le vent de leurs legeretez
Leur esteint le braiser aussi tost qu'il l'allume.

Mais moy, qui si long temps à vos yeux me consume
Je ne consume point pourtant mes fermetez,
Et d'autant plus avant au feu vous me mettez
Plus l'or de mon amour a durer s'accoustume.

Pour vous, belle, le tout de ce tout ne m'est rien,
Ces biens sont povretez au regard de ce bien,
Et vous servir tant plus que mille & mille empires

S'en trouve qui voudra vivement offencé,
Pour moy j'aimerois mieux mourir en vos martyres,
Que vivre au plus grand heur qui puisse estre pensé.