Aller au contenu

Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
notes d’un condamné politique.

nous : c’est même ce qui avait engagé les autorités du bord à ajouter un peu de limonade à notre régime.

Le vent nous étant toujours favorable, le 28 décembre nous avions traversé l’océan, et nous nous trouvions à la hauteur du Cap de Bonne-Espérance.

Deux jours après, nous avions franchi les dangers de ces côtes bordées d’écueils et si souvent tourmentées par les tempêtes, et nous étions passés de l’Océan Atlantique dans l’Océan Pacifique.

L’année 1840 arriva… Qu’il fut triste le jour de l’an des exilés, à bord du navire Le Buffalo ! Quels soupirs nous envoyâmes vers la patrie, en ce jour que nous savions si gai dans notre cher Canada ! Les souvenirs de l’enfance, les affections de la famille, tout ce qui traverse la mémoire et le cœur de l’homme se disputait, avec la tristesse, la possession de notre être…

Je renonce à décrire ce qui se passait en moi ; car, j’entasserais des mots et des phrases, que je ne réussirais pas à rendre ma pensée. Ces choses se sentent, mais ne se décrivent pas : du moins je me sens impuissant à remplir une pareille tâche.

Les traitements que nous endurions étaient toujours les mêmes ; il semblait que le jeune officier dont j’ai déjà parlé voyait augmenter sa rage contre nous, à mesure qu’il voyait approcher le moment où nous allions être soustraits à ses persécutions. À toutes les insultes qu’il